Me lever seul, dans la pénombre de notre chambre, prendre les pièces de métal noir.
Boire l’amertume dans le silence, regarder mes chats, sentir la première chaleur de la journée s’écouler hors de moi.
Polir mon corps, sous la lame, sous l’eau chaude. L’esprit déjà pris dans le torrent des chiffres qui m’attendent… Savoir les minutes qui passent sans parvenir à éveiller mon âme.

Ce matin j’ai pris ma plus belle armure, une armure de tournois, un harnois de trois pièces au surcot blanc.
J’en ai patiemment vérifié les attaches, ajustées les sangles, graisser les articulations.

J’ai noué une cravate noire, le foulard de ma Dame.

Je suis monté sur mon destrier. Un étalon de bataille, mes armes fourbies, ma rage au ventre.
Aujourd’hui, un festin pour les corbeaux.

Puis j’ai branché mon pod, mode aléatoire.
Une voix grave s’est élevée dans l’habitacle, un tempo lourd, puis enlevé.
Abdel Malik m’a parlé.
Sous le soleil qui m’éblouit, j’ai senti mon corps frissonner.
J’ai senti mon âme s’éveiller.

J’ai senti mes larmes couler, mon armure se fissurer, la rage se noyer.
J’ai sentir mon cœur se serrer, avant d’exploser.
Je me suis effondré…

Soldat de plomb.